En 2003, mes parents sont partis pour la Chine avec un objectif en tête : adopter une petite fille. Aujourd’hui, j’habite au Québec, je parle le français, l’anglais, et j’apprends le mandarin.
Mon histoire est celle d’environ 7000 enfants chinois adoptés au Québec. Bien que l’adoption internationale en Chine soit désormais impossible, ce n’est pas pour autant la fin de l’histoire.
Le 5 septembre 2024, le gouvernement chinois a annoncé la fin de l’adoption internationale en Chine. Cela met un terme à trois décennies d’adoption d’enfants, majoritairement de sexe féminin.
Cependant, ce chapitre n’est pas encore clos. D’une part, nous avons été intégrés à la société québécoise et, d’autre part, nous désirons conserver un lien avec nos racines chinoises ou asiatiques.
Une présence normalisée au Québec
Chaque histoire d’adoption est différente. Dans mon cas, j’ai été adoptée par deux parents d’origine montréalaise, qui ont décidé de s’installer en banlieue. J’ai grandi dans un milieu homogène sans que mes origines soient un enjeu.
Mes camarades de classe et les gens autour de moi m’ont toujours considérée comme étant une des leurs. Comme moi, plusieurs enfants ont été adoptés par des parents québécois.
Selon une étude du gouvernement québécois sur l’adoption (1985-2002)1 et une étude menée par le National Council for Adoption (2022)2, ces parents sont majoritairement blancs, mariés, hétérosexuels et aisés. C’est donc dire que la socialisation des enfants s’est faite dans des milieux relativement uniformes.
Bien que mes parents et bien d’autres aient tenté de respecter nos racines, nous avons grandi dans la culture québécoise. Nous nous sommes fondus dans la masse des milieux francophones québécois en banlieue ou en région.
Recherche identitaire à différents degrés
Lors de la pandémie, au plus fort du racisme envers les Asiatiques, et plus précisément les Chinois expatriés en Occident, j’ai ressenti le besoin de mieux comprendre mes racines. J’ai donc commencé à suivre des influenceurs asiatiques comme le groupe OTV & friends, des youtubeurs établis à Los Angeles, et à m’intéresser à la K-pop. Je m’intéressais déjà aux séries télé (dramas) chinoises et coréennes. Tout comme moi, plusieurs désirent, à différents degrés, en savoir plus sur leurs origines. Peu importe la situation familiale ou le contexte de l’adoption.
Ce lien se définit de manière variée. Il peut s’agir d’aimer un produit de la culture asiatique comme la K-pop, les produits de beauté coréens, les collations japonaises et les animés japonais ou désirer apprendre le mandarin, faire partie d’une communauté d’enfants adoptés ou retourner en Chine sur les traces de notre adoption.
Par exemple, le Soft Gong, premier organisme francophone au Canada, fondé en 2022 par des enfants adoptés d’origine chinoise, a publié un guide de retour aux origines en 20243.
Le Secrétariat aux services internationaux à l’enfant et, notamment, L’Hybridé, un organisme qui brise l’isolement des personnes adoptées à l’international, ont également produit un document semblable en 2023.
Cela peut aussi se manifester par une prise de parole sur les impacts d’être adopté. Le 19 août dernier, l’émission balado Si petite la planète, avec Pascal Robidas et Sara Séguin-Baril, a traité du sujet de l’adoption sous l’angle de la transmission4. Et en avril dernier, la pièce Chokola a engagé une réflexion sur les réalités des personnes adoptées au Québec5.
Ce n’est donc pas la fin de l’histoire de l’adoption en Chine pour le Québec. Plusieurs, comme moi, s’interrogent sur leurs origines et sur la manière de gérer cette hybridité. Nous faisons partie de la population québécoise, mais nous n’avons pas les traits caucasiens de nos parents, et pourtant, nous avons été élevés comme tels.
Blanche ou Blanc à l’intérieur, et Chinoise ou Chinois à l’extérieur.
1. Consultez l’étude « L’adoption internationale au Québec de 1985 à 2002 » 2. Consultez l’étude du National Council For Adoption « Profiles in Adoption, Part One : What We Learned » (en anglais) 3. Consultez le Guide du retour aux origines du collectif Soft Gong 4. Écoutez l’émission balado Si petite la planète : la transmission 5. Consultez la page de la pièce Chokola Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue